Le décor est sinistre, la pierre noircie du parlement jonche le sol. Le bâtiment si faste il y a encore quelques jours ne ressemble plus qu’à une ruine fumante. La sécurité a été renforcée aux alentours, une petite voix amère dans ma tête suggère qu’il est trop tard maintenant, mais l’enquête est toujours en cours et les habitants ont besoin de se sentir en sécurité. Les limiers parcourent les décombres à la recherche de la moindre preuve et de la moindre piste alors que nous, les veilleurs, cherchons à maintenir un périmètre autour de la bâtisse afin d’éviter que la foule curieuse ne viennent compromettre la scène de crime. Ou que quelqu’un prévoit volontairement d’effacer les preuves…

Et foule, il y a. Malgré le froid de novembre, une petite troupe de curieux passent et repassent devant le bâtiment, ralentissant le pas, comme s’ils cherchaient à comprendre ce qu’il s’était passé. Ces gens n’ont-ils pas d’autres occupations ? Bien que les événements soient inquiétants, nous sommes là pour les protéger et les éléments relatifs à l'enquête seront publiés dans la presse. Et ce sont bien ceux qui diffusent ces informations qui sont les plus agaçants. Les journalistes rodent dans la foule, plusieurs ont déjà essayé de passer outre nos recommandations et nous assènent des questions plus agaçantes les unes que les autres. Comme si nous étions détenteurs du savoir, alors que seul Dieu sait réellement ce qui est arrivé il y a quelques nuits à peine. Le manque d’information actuel ne doit pas les satisfaire, mais cela inquiète aussi nos supérieurs.

La lassitude commence à me gagner comme elle a gagné mes camarades. Cette situation devient pesante et chaque altercation un peu plus virulente. C’est pourquoi je ne suis pas surpris d’entendre des éclats de voix pas très loin. Curieux, j’observe un collègue se montrer ferme envers un passant un peu trop insistant. Nos regards se croisent et d’un signe de tête il me fait signe que tout va bien. Je décide alors de ne pas intervenir, mais c’était sans prévoir que d’autres habitants allaient se mêler peu à peu au conflit, arrivant au terme de leur curiosité. D’autres veilleurs me rejoignent et après une brève discussion, deux d’entre eux sont envoyés au poste pour chercher du renfort. Chacun retourne alors garder leur secteur, mais voyant la main de mon confrère se crisper sur son arme, je décide d’intervenir.

Je m’approche d’une démarche que je veux assurer du groupe d’une quinzaine de personne qui semble avoir cessé de grossir pour le moment et tente de disperser la foule :

“Nous comprenons que cette situation est inquiétante pour tous, mais je vous assure que nous faisons de notre mieux pour trouver les responsables de cet acte et pour vous protéger. Aussi, pour votre propre sécurité, je vous demande de vous disperser.”

Mon intervention eu l’air d’en faire hésiter quelques uns, mais les protestations et les nouveaux arrivants ont mis fin à cela. Personne ne semble vouloir être raisonnable et le mieux à faire est d'essayer de tempérer en attendant l'arrivée des renforts.