Je n'ai que des histoires courtes à raconter, parce que la mienne en est une. Je préférerais que ce soit un roman. | |
Errer dans cette ville au hasard de ses pérégrinations ne l’effraie pas, pas plus que la nuit ou ses habitants qui à ces heures matinales, qui pour la plupart étaient simplement des ouvriers travaillant sur le port, les cochers de fiacre préparaient leurs chevaux pour la journée et le bruit se limite simplement à cette nuit qui meurt pour se changer en matinée silencieuse. Ou à peine un fer sur les pavés ou un renaclement ne viennent le troubler. Petite créature de l’été, il semblait parfaitement improbable qu’elle puisse s’épanouir dans le climat froid et humide provoqué par la Tamise. Évitant les flaques et la boue par ses petites enjambées, comme tous les matins, elle prévoyait de trouver un semblant de répit dans la cathédrale qui depuis son arrivée faisait office de sanctuaire et fait à présent partie intégrante de ses activités journalières. La moindre étrangeté pouvait provoquer quelques bouleversements dans ce qui lui paraît être réglé comme du papier à musique. Mais n’était-ce pas pour ces quelques étrangetés du quotidien que l’on vivait ? L’automne est enfin bien implanté et signe le retour de la grisaille et de la pluie qui tombe sans discontinuer, cela ne dérange pas le moins du monde Lénore, qui en cette heure bien matinale où il fait encore noir, fait simplement le choix de presser le pas emmitouflée dans son manteau pour se mettre à l’abri de de la pluie sous l’une des grandes arcades de la cathédrale. L’humidité ambiante ne fait qu’aggraver le froid que l’on commençait à ressentir. Et la petite blonde ne pouvait que battre des jambes sous sa robe de servante sombre pour faire descendre le sang. Les yeux bleus à la teinte d’orage de la petite poupée se lèvent sur ce ciel gris qui ne semble pas déterminé à s’éclaircir. Elle n’est pas particulièrement fâchée, mais qu’est-ce qu’elle rêve d’un rayon de soleil sur la triste ville grise, plus tard quand elle sera sur le chemin du retour en rentrant des courses de la journée. Elle finit par trouver le courage qu’il lui manque pour pénétrer l’édifice, qui bien que commençant lentement à s’éveiller, comme toute la ville, fait s’abattre une chape de silence sur ses visiteurs, et s’il y a d’autres âmes ici, la jeune demoiselle les ignore avec le plus grand soin. Lénore ne ressent pas le besoin de s’aventurer en profondeur dans ce lieu singulier, le dernier rang lui convenant parfaitement. |
Vous m'avez condamnée à l'oubli.