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Valerius II
Royauté
Influence : 154
Race : Humain

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Royauté
Valerius II
De profundis clamavi
"J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime,
Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.
C'est un univers morne à l'horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème”


À mesure que l’après-midi laisse place aux teintes crépusculaires, un répit fugace t'accueille. Les derniers rayons d’un soleil froid d’automne caressent les feuilles mourantes dans les jardins du palais, jetant sur ton parcours solitaire une lumière mélancolique, digne d'un tableau au gout de feu Alexander. Cette promenade, si proche de la solitude tant convoitée, est pourtant voilée par la présence discrète mais indissociable de ta garde et de ton fidèle valet, Thomas. Ils se fondent dans les nuances de cette scène de verdure ordonnée, t'offrant une éphémère illusion d'isolement, une parenthèse appréciable dans le Noble Jeu. Leurs efforts pour se faire invisibles visent à te restituer un semblant de cette solitude que tu as perdue depuis des semaines. Ce n’est presque rien, mais tu les remercies silencieusement pour leurs efforts. Néanmoins, cette trêve n'est qu'un baume temporaire sur la scène incessante de ta vie, où chaque jour, tu revêts infailliblement le masque du roi, un rôle que tu interprètes avec une précision et une dignité inébranlables, tandis que tout à chacun examine ta performance sans fin, cherchant la moindre faille qui pourrait leur être utile pour te faire tomber…

Tes pas te guident à travers les jardins du palais, cette errance devenue ton unique échappatoire, bien que brève. Ces allées, jamais vides, résonnent des salutations protocolaires qui, jadis source de divertissement, ne reçoivent aujourd'hui de ta part qu'une réponse rigide, empreinte de cette même formalité que tu abhorrais autrefois. Quelle cruelle ironie du sort, une punition appropriée, pour qui s'en moquait jadis avec tant de plaisir.
Inévitablement, comme à chaque fois que tu te sens assez morose pour penser à tout ce qui n’est plus, ton esprit s'envole vers Alpia, vers ces montagnes gardiennes de ta jeunesse, un Éden où régnait une insouciance aujourd'hui perçue comme un paradis perdu. Il y a cette maxime sur l'âge d'or, Valerius : on ne réalise jamais qu'on est en son cœur, et ce n'est qu'une fois perdu qu'on mesure l'abîme de son absence. Sans le savoir, en quittant Alpia pour revenir en Albion, tu avais laissé derrière toi cet âge d'or, une époque de légèreté et de joie aujourd'hui étrangère, un souvenir flottant comme un parfum dans l'air, dont les fragrance fugaces ne te rendent que plus amère.

Dois-t-on le dire ? Faut-il souligner que c’est là, en Alpia, que tu l'as rencontrée, elle, celle dont le simple prénom est désormais un tabou, même dans le sanctuaire de ta pensée? Elle, l'amour que tu as sacrifié – trahi, en vérité – sur l'autel de ton impitoyable devoir ? Celle qui, par son seul sourire, transforma tes années de jeune homme en ton âge d’or ?  Aujourd'hui, prisonnier de ton rôle de souverain, ces souvenirs te semblent appartenir à une autre existence, évanescents comme un rêve au petit matin. Oh, par l’Unique, quelles promesses, quelles sacrifices ne donnerais-tu pas pour retourner dans ce passé, ne serait-ce qu'un jour. Mais, même si tu pouvais t'accorder quelques jours supplémentaires au cœur de ton paradis perdu, que pourrais-tu réellement changer à ton présent ? Quelle manœuvre pourrais-tu inventer pour éviter l'inévitable, pour ne pas la perdre une seconde fois ? À quoi bon endurer une telle souffrance une deuxième fois ? Non. Il vaut mieux oublier Valerius. Oublier et renoncer… Et pourtant, le destin, cruel et moqueur, vient perturber tes résolutions à peine prises, car, au détour d'une allée, tu te retrouves face à un regard qui, comme toujours, capte ton attention bien plus qu'il ne le devrait.
Pendant un instant suspendu, un battement de cœur hors du temps, le monde s'évanouit autour de toi.

Il n'y a plus qu'elle.
Léonie.

Mais cet instant s'envole aussi vite qu'il est apparu, balayé par la toux discrète de Thomas, un rappel à la réalité, une échappée hors de cette rêverie interdite. Être si près l'un de l'autre ne peut que mener à la ruine. Pourquoi s'infliger une telle épreuve, quand la seule récompense est une douleur accrue ? Non, tu te raccroches au protocole – salutations, politesses – et, prétextant des affaires d'urgence, celles qui justifieraient un roi s'éloignant avec peu de courtoisie d'une dame, tu t'en vas rapidement, ton pas s'accélérant vers le palais. La fuite. Toujours la fuite.

Pourquoi maintenant ? L'as-tu invoquée par la force de tes pensées incessantes ? Ton cœur, ce félon qui te trahit, bat si violemment dans ta poitrine qu'il semble sur le point de se révéler au monde entier. Non, non ! Tu dois surmonter cela, Valerius, pour le bien de la nation, en honneur de la promesse faite à ton frère défunt, et pour le bien-être de celle que tu ne peux oublier. Quelle souffrance supplémentaire pourrais-tu lui infliger, si tu abandonnais la raison qui te pousse à garder tes distances ? Ici, ce n'est pas toi qui a le plus à perdre, n'est-ce pas ? Alors, demeure le lâche, Valerius. Continue de te blottir dans ta couardise, fuyant ces yeux qui effacent toute raison de ton esprit. Perdure dans cette tentative vaine d'apaiser les barbelés qui enserrent et saignent ton cœur. Crois, avec une naïveté pitoyable, que tu peux indéfiniment échapper à cet amour qui te tourmente. C'est là ton unique échappatoire, un refuge creux où tu te terres, fuyant les vérités que ton cœur connaît trop bien. Chercher de la raison dans l’irraisonnable, quelle bêtise...

Tu n'es plus cet enfant cherchant asile dans sa chambre face aux adversités. Non, maintenant, c'est dans ton bureau que tu te replis, adoptant ton rôle de roi et t'enveloppant dans ton labeur comme pour t'isoler du monde, tandis que les domestiques et les gardes retiennent leur souffle, se fondant dans le décor, alors que tu t'enfermes dans ton silence, n’en sortant qu’au retour de ton valet. « Il est de votre devoir, Thomas, d'empêcher que de telles situations ne se produisent », déclares-tu avec un ton cinglant lorsque ce dernier t'apporte une tasse de thé, faisant de lui, comme souvent, le réceptacle de ta frustration. C’est aussi son rôle du supporter tes humeurs, il le sait, c'est pourquoi, stoïque et imperturbable, il accepte ce rôle sans un mot de plainte. « Veuillez accepter mes plus humbles excuses, Votre Majesté. Je vous assure que cela ne se répétera point. », répond-il avec une déférence mesurée. Mais ses mots ne font qu'effleurer ta conscience troublée, alors que tu délaisses la tasse de thé, te levant pour retourner à ta fenêtre. Là, tu as une vue parfaite sur l'endroit où vous vous êtes croisés il y a quelques instants.

Dans un autre temps, une autre vie, cette rencontre aurait été un présage de bonheur, et vous auriez poursuivi votre promenade ensemble. Mais désormais…

Non.

Désormais, il ne sert à rien d'y penser. Ces pensées ne sont que des fantômes d'un passé révolu, des spectres de ce qui aurait pu être et qui ne sera jamais plus.

Et pourtant…

Inévitablement, les souvenirs affluent, te ramenant à ce jour où, pour la première fois, tu l'as poursuivie dans un jardin. Racontée ainsi, l'histoire pourrait sembler peu flatteuse, voire quelque peu troublante pour ta réputation… Mais pour en saisir toute la nuance, il est nécessaire de remonter à votre première rencontre. À ce bal en Alpia, où ta jeunesse et ton arrogance étincelaient, un trait commun chez les jeunes hommes de bonne famille qui, à l'aube de la vingtaine, se retrouvent submergés d'une attention flattant outrageusement leur ego. Aujourd'hui, le souvenir de ton comportement d'alors t'inspire une gêne certaine. Il faut dire qu'il y a une décennie, ton orgueil était sans conteste ton plus grand défaut. Ce n'est que lorsqu'il t'a conduit dans une impasse délicate que tu as enfin pris conscience de ses conséquences…


« Puis-je vous demander, votre Altesse, si vous avez eu l'occasion de vous entretenir avec Miss Mittelstadt ? On murmure que Lady Keller est fort désireuse de la voir convenablement établie, peut-être même au rang de princesse. » C’était Lord Glaris, un jeune noble de rang suffisamment prestigieux pour se permettre de faire partie de ton cercle d’ami, qui venait de parler avec une pointe d'ironie raffinée, alors que tu échappais enfin à la fameuse Lady Keller, non sans avoir subi quelques-unes de ses insistances, fuyant alors vers les jardins pour retrouver les autres étudiants et héritier de l’académie invité à ce bal. En tant que prince en âge de se marier, tu étais habitué à être la cible de nombreuses dames lors de réceptions, mais Lady Keller était certainement l'une des plus déterminées que tu aies jamais rencontrées, quand bien même tu doutais de sa sagesse en constatant  son zèle d’ainsi vouloir marier une noble déchue à tous les bons partis du pays. A quoi bon ? Aucun homme un tant soit peu sensé n’épouserait une femme sans titre et sans dot…

« Quelles impressions vous a-t-elle donc laissé, Altesse ? A-t-elle éveillé en vous une soudaine ardeur matrimonialement impétueuse comme l’espère son honorable bienfaitrice ? »  interrogea avec un cynisme mordant un autre jeune lord de l'académie, imprégné d'une arrogance similaire à la tienne, alors que tu les rejoignais dans le petit coin du jardin de la demeure de Lady Keller où ils s'étaient rassemblés. Le ton moqueur des jeunes aristocrates trahissait leur plaisir à ridiculiser les manœuvres matrimoniales des dames de la haute société. Ils arboraient avec fierté le privilège de pouvoir ignorer ces jeux de mariage, préférant rester célibataires pour jouir sans entrave de leurs années de jeunesse avec une insouciance trompeuse. Tous savaient, quelque part au fond d'eux, qu'un jour ou l’autre, leurs parents les surprendraient avec une union arrangée, une mesure préventive pour sauvegarder leur réputation et celle de leur famille, avant qu'une quelconque histoire de débauche ne vienne ternir leur image d'héritiers parfaits. Il aurait fallut être un deuxième fils, pour pouvoir avoir une chance d’y échapper. Et ne pas être un prince, surtout…

Prenant un moment pour savourer ton vin, un sourire assuré et insolent émergea doucement sur tes lèvres, reflétant la superbe de ta jeunesse, tandis que tu finissais ta boisson. Tu avais soigneusement préparé ta réponse, prêt à déployer ton arrogance théâtrale, digne d'un prince des plus sot. « Eh bien, je ne saurais nier que Miss Mittelstadt possède un certain charme, mais il est loin d'être suffisant pour captiver mon intérêt, messieurs. Je vous laisse donc tout le loisir de courir après ses faveurs, bien trop modestes pour éveiller ma curiosité. Quant à moi, je préfère réserver mon attention à des dames qui, malgré l'absence de dot ou de titre, ont au moins la décence de se distinguer par une beauté hors du commun. », dis-tu avec un détachement feint, tandis que tu fais signes à un serviteur de t’apporter un autre verre de vins, comme si tu cherchais ici à te féliciter d’avoir été de tous le plus insultant par tes paroles. Tes camarades, de leur coté, rirent grassement à tes mots, se gonflant de fierté et de virilité, continuant sur ta lancée en se moquant ouvertement des jeunes débutantes qui n'atteignaient pas leurs critères exigeants. Leurs rires, empreints d'un mépris insupportable pour toute personnes ayant un minimum d'empathie, trahissaient leur plaisir à ignorer les règles sociales tout en se drapant dans leur privilège. Des idiots, en sommes. Mais des idiots influents et privilégiés, hélas.

Par l'unique, ces mots idiots et ces bravades allaient te hanter bien plus longtemps que tu ne l'aurais jamais imaginé...


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Yeux sombres, cœur cruelAn unwavering beacon bound by a crown of thorns, his heart a silenced tempest in a cage of duty.
KoalaVolant
Léonie A. Mittelstadt
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Influence : 121
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Léonie A. Mittelstadt
Le temps s’écoulait à une vitesse folle depuis quelques semaines. Alors que Léonie, elle, avançait au ralentit. Le monde semblait s’être emballé alors qu’elle restait là, hébétée à le regarder tourner trop vite pour qu’elle ne puisse saisir ce qui était en train de se passer. Elle oscillait avec la réalité et préférait s’abandonner aux affres du sommeil. Elle avait remarqué que parfois elle ne rêvait pas et à cet instant, elle était en paix. Hélas il était plus fréquent que le visage de son ancien époux ne se rappelle à elle. Comme si son subconscient lui-même lui pointait du doigt son absence. Elle s’obligeait à chasser ces pensées. Mais de temps en temps… “Il me manque”. Songeait-elle simplement. Immanquablement la main d’Helen se posait férocement sur son épaule, une ancre dans l’océan dévastateur de son chagrin. Alors elle se raccrochait à cette sensation, à la chaleur de sa dextre qui venait réchauffer sa peau glaciale ou qui venait affectueusement lui caresser une joue. Peut-être dans l’espoir de leur redonner un peu de couleur. Léonie ne prenait pas la peine de lui sourire, sa dame de compagnie la connaissait depuis bien longtemps et elle n’avait pas à feindre ses émotions avec elle.

“Allons marcher, votre Altesse…” Lui avait-elle demandé. Léonie avait secoué la tête puis s’était remise à écrire entêtée. Helen s’était contenté de pincer les lèvres puis s’était assise aux côtés de sa dame pour l’aider dans son travail. Elle avait patienté des jours durant, se contentant de proposer de sortir -et n’obtenant que des refus-  et obligeant la princesse à manger lors des rares pauses qu’elle voulait bien s’accorder. Ce ne fut qu’au terme du troisième jour qu’elle céda enfin.

- Si tu y tiens… Allons-y. Juste un tour des jardins. Avait-elle concédé car cela était déjà bien trop de temps offert à son esprit pour divaguer bien loin de l’endroit où elle se trouvait.

A la faveur de l’automne, le ciel s’était nimbé d’un camaïeu orange qui reflétait des lueurs d’un rouge sanguin sur les quelques nuages qui les surplombaient. Le vent était léger mais frais, suffisamment pour faire rougir ses pommettes et le bout de son nez. Mais ce n’était rien comparé au froid d’Alpia. A ses montagnes enneigées, à sa neige pure et éternelle qui en cette saison aurait déjà recouvert d’un épais manteaux blanc les rues et les maisons pour le plaisir des enfants et plus discrétements des adultes. Léonie aimait la neige, elle y avait joué si souvent étant petite. A Albion il n’y en avait presque pas. Lorsque c’était le cas, il était fréquent de la voir virer à une bouillasse noirâtre plus que de la voir tenir au sol. Pour la première fois depuis six ans, la jeune femme réalisa ô combien elle lui manquait. Elle avait tout laissé derrière elle et pour quoi ? Ses sourcils se froncèrent, créant une légère ride sur son front. Elle ne pouvait dédaigner leur mariage ; il avait redoré le blason de sa famille, mis les siens à l'abri. Peut-être pour mieux la briser ensuite, mais il l’avait fait et de cela elle lui serait toujours redevable. Cette idée la rendait malade. Au moins autant que celle de son absence. A la manière d’un chien qui flaire le gibier, Helen posa une main affectueuse dans son dos, un geste qui signifiait “tout ira bien”. Alors Léonie avait inspiré, s’était redressée de toute sa hauteur et avait entrepris sa première marche depuis de trop nombreux jours.

Ses muscles se déliaient enfin et tout son corps semblait soupirer d’aise. Ses pieds s’avançaient silencieusement sur le chemin de gravier quand le vent venait balayer le chignon dont quelques mèches dissidentes avaient repris leur liberté. Si elle avait été certaine de ne pas être vue, peut-être aurait prit un instant pour s’étirer mais hélas les jardins étaient bien trop fréquentés pour cela. Alors elle s’était contenté de se tenir droite et de marcher en s’oubliant à chaque pas, guidée par la seule force son instinct.

Ici, on ne lui portait que peu d’attention et lorsque c’était le cas, ce n’était guère pour la saluer poliment. En plus de la trahir, Valérius avait jeté sur elle l'opprobre ; elle n’était pas féconde, qu’y avait-il donc de pire pour une reine en devenir ? Un roi qui tue son propre enfant sans doute. La cruauté ainsi que la colère la poussait parfois à prendre une plume et à écrire : “Je portais votre enfant”, “il est mort par votre faute”, “je vous hais”. Mais à chaque fois plume et papier finissaient irrémédiablement dans sa cheminée comme si cela pouvait la purger de l’horreur des mots qu’elle avait écrit. Personne ne devait savoir, pas même Valérius. Parce qu’elle n’aurait pu supporter ni sa pitié, ni de lui infliger une souffrance aussi grande que celle qu’il lui avait imposée.

Un fin sourire étira ses lèvres pour la première fois depuis des jours. Léonie n’aurait pu dire qu’elle était heureuse, elle ne l’était plus et se savait incapable de l’être pleinement à nouveau. Pourtant la fraîcheur automnale lui faisait du bien, aérait ses pensées et son esprit. Elle s’était retournée vers Helen quand elle l’avait vu se figer comme une statue de sel et elle savait qu’il n’y avait qu’une personne ici bas qui pouvait imposer une révérence aussi basse. Pendant un bref instant, elle avait songé à faire demi-tour en mimant de ne pas l’avoir vu, ce qui n’était pas complètement faux. Elle ne l’avait pas vu. Pas depuis son départ pour Jadamur. A quand cela remontait-il déjà ? Le corps de Léonie s’était retourné avant-même qu’elle ne s’en rende compte et soudainement, l’air manqua à ses poumons.

“Qu’êtes-vous devenu ?” Se lamenta-t-elle dans le tombeau de son esprit. “Qu’aies-je fait pour susciter votre mépris ?” Parce que c’était exactement cela qu’elle lisait dans son regard. Aucun mont d’Alpia n’était aussi glacial que l’homme qui lui faisait face et aucun pays ne lui était aussi étranger. Pourtant elle l’avait connu, mieux que personne pensait-elle à cette époque. Force était de constater qu’elle s’était fourvoyée. Mais plutôt que de déplorer cette rencontre, elle était une occasion d’enfin lui parler. D’obtenir les réponses qu’il se refusait à lui donner. Si pour cela elle devait affronter sa colère, elle l’endurerait. Peut-être même qu’il valait mieux cela que rien du tout. Alors elle ouvrit la bouche et avant même qu’un mot n’ait franchit la barrière de ses lèvres, il s’éloigna prétextant quelques affaires. Léonie resta ainsi suspendue, incapable de ployer le genou ou même de parler, encore moins de pleurer. Valérius était de toutes façons bien trop loin maintenant. Léonie n’avait nul besoin de se retourner pour savoir combien sa silhouette gracieuse se détachait parmi la nature orangée des jardins, ni comment le vent faisait balancer ses cheveux sombres.  

Alors comme cet autre jour, celui qu’elle aurait aimé enfouir pour toujours : - Helen… Rentrons. Et il en fut ainsi.

***

- Est-ce bien nécessaire ? Grinça Léonie alors qu’Helen tentait visiblement de lui briser des côtes en resserrant son corset. - Ne me regardez pas comme ça, j’aime les bals. Enfin… Elle grimaça lorsqu’un nouveau lacet fut resserré. - Mais je ne tiens pas à me marier et aucun bal ne fera oublier le montant inexistant de ma dot. Vous le savez aussi bien que moi. Le regard que la dame de compagnie lui lança en disant long, elle savait que Léonie voyait juste mais son affection pour elle la poussait à croire avec certitude qu’un homme viendrait à l’aimer au-delà de cela. C’était à se demander qui de Léonie ou d’Helen était la jeune fille.

Lady Keller était encore plus en forme qu’elle ne l’avait jamais été et il était certain que Valérius Windcroft n’y était pas étranger. C’était même tout le contraire en vérité puisque Juliette avait organisé ce bal dans le but d’attirer le jeune prince dans les filets de sa pupille qui n’en demandait pas tant. Léonie était heureusement docile ce soir là et elle s’était pliée aux présentations -bien mal lui en aurait prit de s’y opposer de toute façon. Elle avait ployé le genou avec toute la déférence qui incombe au salut d’un petit seigneur, avait poliment souri lorsque cela avait été le moment et avait prononcé quelques mots de politesse qui avaient fait rayonner Lady Keller. Les mêmes qui n'avaient fait naître aucune lueur dans le regard de son interlocuteur. Puis il s’était envolé comme il était arrivé. Le signale pour la jeune femme qu’elle avait enfin quartier -plus ou moins- libre. Sa bienfaitrice lui fit l’aumône d’une poignée de minutes de paix avant de la saisir délicatement par le bras en lui soufflant d’aller marcher dans les jardins. Ce dont Léonie n’avait guère envie, il ne faisait pas très chaud et de toute façon elle n’avait rien à faire dans les jardins ; ces amis n’étaient pas invités à ce genre de soirée. Le regard que lui avait lancé Juliette avait toutefois achevée de la convaincre et s’était aux côtés d’Helen qu’elle s’était engagée dans le froid glacial des monts d’Alpia.

- Finalement, ce n’est pas si mal. Soupira-t-elle quand le vent fit s’agiter la robe écru qu’elle portait ce soir. Simple mais faites dans une étoffe riche, elle cachait à qui ne le connaissait pas l’ascendance déchue de Léonie et la faisait presque passer pour ce qu’elle n’était pas. - Je vous propose que nous allions jusqu’à la petite fontaine. Ensuite nous ferons demi-tour et dirons que nous n’avons croisé personne. Lady Keller ne me fera pas attraper la mort, même pour un prince. Helen eut un sourire en coin mais hocha simplement la tête et soutint le bras de la jeune Mittelstadt. Elles marchèrent ainsi en conversant à voix basse jusqu’à ce qu’une voix qu’elle n’eut pas reconnue si elle ne l’avait pas entendu un peu plus tôt retentisse. Dans le silence des jardins, il lui sembla que l’écho se répercutait aux quatre coins du domaine, pis encore quand ils se mirent à rire.

Helen tira doucement le bras de Léonie dont les pommettes s’étaient immanquablement teintées d’un rouge plus vif que le froid n’aurait dû le faire. Mais elle résista et offrit un sourire entendu à sa compagne dont les traits se durcirent imperceptiblement. Elle ne connaissait que trop bien ce sourire.

- N’ayez crainte votre Altesse, je suis certaine que votre opiniâtreté viendra à bout d’une femme aussi féroce que Lady Keller. Dit-elle en s’avançant avec dignité, un sourire amusé illuminant son visage. - Je puis vous rassurez cependant : mes modestes faveurs n’attirent que leurs semblables, vous êtes ainsi sauf. Profitez donc de votre soirée sans vous tourmenter. Ses yeux se plantèrent dans les siens et ses lèvres se firent plus mutines qu’elles ne l’étaient déjà. - Mon charme n’est peut-être pas suffisant pour vous captiver, mais il l’est assez pour que vous le remarquiez. Elle haussa très légèrement un sourcil, faisant flamboyer le regard malicieux qui se détourna du sien la seconde suivante afin qu’elle ploie l’échine. - Enfin, je ne voudrais pas vous importunez messieurs, votre Altesse. Passez une agréable soirée. Et sans demander son reste, elle tourna les talons et reprit la direction de la demeure des Keller.
Valerius II
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En ce temps, que pouvait-on attendre de toi, Valerius, sinon l'attitude d’un jeune homme dont la fierté, tirée de sa superbe et des privilèges de sa naissance, aveuglait la raison ? Cette bêtise, que tu tenais pour un juste acquis, ne faisait que révéler la vanité de ton caractère. Dans le monde, rares sont les spectacles aussi banals et tristement amusants que celui d’un individu comme celui que tu étais, enivré par l’illusion de sa propre grandeur et se portant au ridicule sans même en prendre conscience. Tu te parais alors d’une fierté dont l’autre nom était orgueil. Un orgueil si profond que, dans ton aveuglement, tu ne discernais point la faiblesse qu'il cachait, te croyant assez supérieur au commun pour le tenir en de juste mesure. Rien de moins...
Ainsi, convaincu de ta supériorité, tu te permettais de juger et de mépriser ceux que tu considérais comme inférieurs à ta personne, ne réalisant point qu’en agissant ainsi, tu ne faisais que dévoiler ton ignorance et ton manque de noblesse d'esprit. Cet orgueil, que tu chérissais tant, était en réalité ton plus grand défaut, une faille béante dans ton caractère qui, par un concours de circonstance, allait justement être corrigé par la suite d’événement qui se jouait ici, dans les montagnes d’Alpia.

Mais pour le moment, rien, ne le laisse présager, alors que tu observes, sans le moindre soupçon de gêne, la jeune demoiselle que tu avais, avec une légèreté presque cruelle, tourné en dérision en compagnie de tes camarades d'études, tandis que contre toute attente, elle se lançait dans une déclaration d'une audace inouïe pour répondre à tes moqueries. Quelle impudence pour une femme de son rang, penses-tu, d'oser adresser la parole à une altesse sans y avoir été expressément conviée.   Si le protocole et l’étiquette avaient le don de t’ennuyer, il est vrai que tu ne leur trouvais de la valeur que lorsqu'ils servaient tes intérêts ou te permettaient d'affirmer ta supériorité, ce qui était le cas ici. Tu aurais pu faire un scandale, utiliser cela pour l’écraser sans une once de gêne... Cependant, il y a dans l'audace qui se dégage de la scène un certain charme, une fraîcheur qui, dans des mesures appropriées, rend pardonnables les écarts les plus inexcusables... Surtout lorsque l'on consent à endosser une part de responsabilité pour l'infraction commise.
Amuse-toi plutôt de cette fougue, Valerius, il aurait été bien dommage qu’elle n’en soit pas dotée...

« Attribuons cela à la sensibilité féminine », déclaras-tu, rompant le silence qui s'était imposé suite à l'allocution passionnée et au départ précipité de Miss Mittelstadt. Cette remarque dissipa promptement la tension, restaurant la confiance momentanément ébranlée des jeunes gens, qui se retrouvaient à présent dans la posture de bambins surpris en méfait. La conversation, dès lors, retrouva son cours avec une vigueur renouvelée, sans que rien dans ta contenance ne trahisse la moindre perturbation. Miss Mittelstadt, par un consensus tacite, avait été reléguée au rang des sujets désormais indifférents... Et pourtant, une pensée éphémère, mais tenace, s'immisçait avec une légèreté troublante dans ton esprit – pas assez prégnante pour t'envahir, mais suffisamment présente pour ne pas être aisément chassée. Elle te poussait à la réflexion.

Il y eut, en effet, une succession de soirées, d'événements mondains, de pique-niques et de rencontres, tous marqués par l'attraction irrésistible de ton titre sur l'assemblée, des événements parfait pour exercer ta perspicacité et ton observations et les aiguiser pour le Noble Jeu d'Albion. Chaque convive, par des manœuvres plus ou moins subtiles, aspirait à se draper de ta faveur ou, plus ambitieusement encore, de ton amitié – un honneur rare mais inestimable pour quiconque veut être dans les bonnes grâces du plus florissant des empires. Cependant, au milieu de cette constellation d'occasions, seules celles teintées par la présence discrète de Miss Mittelstadt, suivant de près sa protectrice, réussissaient à s'imprimer dans ta mémoire.
Miss Mittelstadt, que tu avais si résolument destinée à l'oubli, s'était insinuée dans ton esprit avec la persistance d'une égratignure que l'on ne peut s'empêcher de toucher. Elle était devenue cette préoccupation légère mais incessante, suffisante pour que ton regard la cherche dans la foule, mais non encore assez pour surmonter ton aversion à l'idée de frayer avec une personne de sa condition et de t'adresser à elle de ton propre chef. Les mystères de l'affection sont tels qu'ils se déploient sans logique, et l'on ne saisit leur essence qu'au moment de leur éclosion, réalisant trop tard qu'ils nous ont enveloppés de leur emprise, rendant toute résistance futile. Alors que les germes de ce sentiment s'éparpillaient, tout ce que tu percevais était cette irritation, cette frustration naissante à chaque apparition de Miss Mittelstadt, qui persistait à se tenir à une distance scrupuleusement éloignée de ton cercle.

Dans une suite d'actions semi-conscientes de leurs portées, tu te trouvas, avec une discrétion volontaire, à graviter autour d'elle. Sans jamais être ostensible, tu maintins toujours une distance respectueuse, tout en saisissant l'occasion, à quelques reprises, d'écouter les conversations de Miss Mittelstadt. Son esprit vif, que tu avais jusqu'alors cru l'apanage des plus hauts nés, te surprit agréablement. Si une impulsion émotionnelle l'avait peut-être précipitée à outrepasser l'étiquette lors de votre première rencontre, tu ne pus, par la suite, lui reprocher aucune faute dans son comportement. Elle se montra toujours parfaitement respectable, une qualité qui ne manqua pas de renforcer ton intérêt à demeurer dans son sillage, jusqu'à ce qu'une dame, dont la résolution avait précédemment suscité ta moquerie, conçut l'espoir que sa protégée avait réussi à capter les distinctions d'un prince. Et Lady Keller n'était pas de celles qui se laissaient décourager par un premier revers...

« Votre Altesse, j'ai ouï dire que vous n'avez point encore honoré mon bal de vos talents de danseur ce soir. Serait-ce là votre dessein de m'adresser un affront, si involontaire soit-il ? » s'enquit Lady Keller, s'avançant avec grâce, son éventail délicatement manié entre ses doigts. Charmante, mais piquante. « Nullement, Lady Keller, soyez assurée que je trouve les festivités que vous avez organisées des plus exquises » répondis-tu avec une courtoisie feinte, cherchant par tes mots à esquiver l'invitation implicite, redoutant déjà qu'elle ne te propose de danser avec l'ensemble des demoiselles célibataires présentes afin d'honorer sa réception de manière appropriée. « Alors, il vous faudrait danser ! Ah, Léonie ! Venez donc, ma chère. Votre Altesse, je puis vous assurer que parmi nos convives, nulle n'égale ma chère Léonie en matière de danse, tant sa grâce et son charme sont sans pareils. Vous ne sauriez, de fait, vous soustraire à cette occasion, car aucune ne saurait l'égaler » proclama Lady Keller, rayonnante, saisissant la main de Léonie Mittelstadt d'une étreinte presque maternelle pour l'empêcher de se dérober.
Bien que tu aurais pu, avec toute la politesse et l'élégance de langage à ta disposition, refuser et ainsi repousser délicatement l'offre de Lady Keller sans pour autant l'offenser ou rejeter sa protégée, tu ne le fis point. Non, avant même que Miss Mittelstadt n'ait eu l'occasion d'émettre la moindre réticence, poussé par un élan que même toi, tu ne parvins pas entièrement à élucider sur le moment, tu pris l'initiative. La saluant d'abord, tu répondis ensuite avec une rapidité qui te surprit toi-même, fixant tes yeux dans les siens. « Ce serait pour moi un privilège, Miss Mittelstadt, si vous consentiez à m'accorder l'honneur d'une danse. » De tous, tu fus probablement le plus surpris par ta propre réplique.

Plus tard, en repensant à cet événement avec un esprit plus clair, tu tenteras, bien évidemment, d'attribuer cette impulsion à un désir de mettre fin aux stratagèmes de Lady Keller en cédant à ses souhaits, en vain.
Non, tu aurais pu refuser.
Et tu ne l'avais pas fait.

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Léonie A. Mittelstadt
“Suis-je laide ?” Fut la seule et unique question que Léonie posa à sa suivante après sa rencontre avec le prince. Elle qui ne s’était jamais souciée de son apparence ou tout du moins de sa beauté, fut bien incapable de ne pas poser la question car après tout aucun des hommes présents n’avait démenti les paroles de son Altesse. Bien sot aurait été celui qui l’aurait fait d’ailleurs, quoique ses plus proches auraient peut-être pu mais aucun d’entre eux ne s’y était risqué. Helen avait froncé ses sourcils parfait, l’avait gourmandée et avait fait en sorte que le reste de la soirée se passe dans les meilleures conditions. Léonie peu farouche l’avait laissé faire, désireuse d’oublier ce petit échauffourée que cela soit dans la danse ou dans les discussions avec quelques dames et gentilhommes.

Léonie savait parfaitement qu’elle aurait dû rayer cette soirée de sa mémoire, hélas son esprit n’était pas exactement du même avis et elle avait passé des jours à se repasser en boucle ce qu’il s’était passé dans le petit jardin. D’abord l’impolitesse dont elle avait fait preuve et pour laquelle elle priait chaque jour l’Unique que cela reste un secret, Lady Keller n’aurait su tolérer un tel comportement. Mais également ces simples mots qui avaient créé chez elle une brèche qu’elle ne soupçonnait même pas. La joliesse n’avait jamais intéressée la jeune pupille, pas plus que l’idée de plaire. D’une certaine façon elle était suffisamment lucide pour savoir que ce n’était pas là que résidait ses principaux atouts mais se le voir confirmer ainsi était bien plus rude qu’elle ne l’avait jamais imaginé et maintenant une crainte discrète mais présente s’était glissé dans ses songes. Heureusement Léonie était d’une nature gai mais également combative. Deux armes qu’elle n’hésita pas à brandir face aux doutes qui l'assaillaient, refusant de se laisser engloutir par les questions que ce maudit prince avait fait éclore.

Pour le plus grand plaisir de Dame Keller, Léonie se présenta sous son meilleur jour et cela à toutes les soirées auxquelles elle souhaita la faire participer tout en prenant un soin méticuleux pour éviter le jeune Windcroft. Autant que faire se pouvait, elle évita de se trouver aussi bien dans son sillage qu’à portée d’oreille, craintive d’y découvrir d’autres surprises malvenues. “Dépourvu de dot, me faut-il encore savoir utiliser mon charme”. Tentait-elle de se convaincre quand Helen la regardait avec ce regard qui dégoulinait de suspicion. “Et ne me dites pas que mon intelligence en fait partie. Un époux ne cherche guère cela.” Toutefois, sur ce point Léonie était en bien mauvaise position car si elle avait plusieurs fois songé à se taire, elle était tout à fait incapable de museler cet esprit percutant et vif qui était le sien. Jamais dans l’impolitesse, ni dans la méchanceté, il était cependant mal apprécié par ces messieurs et surtout par Lady Keller.

A mesure que le temps s’égrainait et pour son plus grand désarroi, Léonie constata que sa route croisait de plus en plus souvent celle de son Altesse. Peu importa le cœur qu’elle mit à l’éviter, leurs pas les menaient inlassablement aux mêmes endroits. Le coup de grâce lui fut donné lors de la réception de sa bienfaitrice.

Malgré tout ce que pouvait bien dire Léonie, l’excitation d’un tel bal était difficile à contenir. Ses amies seraient présentes, Lady Keller lui avait offert une toilette tout à fait délicieuse et avait promis une fête grandiose ce qui dans la bouche de cette femme était synonyme d’exception. La jeune Mittelstad était alors impressionnable, curieuse et surtout impatiente de pouvoir s’amuser comme toutes les jeunes filles de son âge. Il n’y avait évidemment qu’une seule ombre au tableau : Valérius Windcroft. Sans même avoir demandé la liste des invités, elle sut qu’il y serait. Notamment parce que Lady Keller préfèrerait venir à son bal en nuisette plutôt que de ne pas inviter un prince mais également parce que ces dernières semaines il lui semblait que l’Unique lui-même avait décidé d’entremêler étrangement leurs chemins. A moins que cela ne soit du fait du prince mais au vu de leur seul et unique échange, elle en doutait fortement.

Ainsi elle avait passé bien des heures à se préparer, à revêtir sa robe aux douces couleurs pastels et au moins autant de temps si ce n’est plus à nouer ses cheveux à la dernière mode. Pour cela Helen était parfaite, ses doigts étaient dotés de magie et elle faisait toujours des miracles.  Carnet de bal au poignet, Léonie n’avait rien à envier à ses compagnes de soirées, lesquelles bavassaient déjà lorsqu’elle les rejoignit au pied du grand escalier.

- Saviez-vous que son Altesse sera présente ce soir ? Il est arrivé il y a seulement un instant ! S’exclama Sidonie en cachant sa bouche de son éventail pour leur faire la confidence.

- Peut-être vous demandera-t-il une danse ma chère, lui répondit Léonie dans un sourire, - Il paraît qu’il apparaît plus régulièrement que jamais aux rendez-vous mondains de cette saison.  Il s’agit peut-être là de votre chance. La flamme qui s’alluma dans le regard de la jeune Sidonie était exactement l’effet recherché. Elle allait, avec un peu de chance, se mettre en quête du prince et ainsi s’assurer de l’occuper loin d’elle. - Venez, joignons nous aux festivités très chères ! Le groupe de demoiselles gloussa et toutes partirent en direction de la salle de bal. Seule demeura Léonie qui haussa les épaules en réponse au regard réprobateur de sa dame de compagnie avant de leur emboîter le pas.

Le bal battait son plein, les valses n’avaient de cesse de s’enchainer et même elle se laissa tenter par quelques danses avant d’aller se réfugier avec quelques-unes de ses compagnes pour déguster quelques mets délicieux servit ce soir-là. Jusqu’à ce que la voix de Lady Keller ne l’interpelle. Euphorique comme le sont les jeunes filles, le pied léger et guilleret -presque un peu trop- elle rejoignit sa gardienne avec un sourire.  Lequel disparut comme s’il s’était agi d’une bougie sur laquelle on souffle.

- Je… Tenta-t-elle, mais déjà Juliette vantait ses mérites. Un art qu’elle maîtrisait mais dont elle était certaine de ne pas être la cador que l’on célébrait présentement. Ses doigts gantés se posèrent sur son carnet, qu’elle s’apprêtait à brandir en guise d’excuse mais un regard furieux suffit à la réduire au silence. Ne lui restait plus qu’à subir la nouvelle humiliation d’un rejet public. Dressant le dos aussi fièrement qu’elle le put, l’air pincé, elle attendit que le couperet tombe et il tomba. Mais pas de la façon à laquelle elle s’attendait. Bouche bée, l’air parfaitement mortifié, il lui fallut de longues secondes et peut-être une petite poussée dans le bas du dos pour sortir de sa torpeur.

- Tout l’honneur est pour moi, votre Altesse. Grinça-t-elle en fléchissant aussi bassement le genou que le voulait l’Etiquette.

Du coin de l'œil elle remarqua le regard éberlué de Sidonie et des autres demoiselles, celui satisfait de Juliette et un peu plus à l’écart celui parfaitement inquiet d’une Helen qui savait exactement ce dont sa jeune maîtresse était capable.

Sa main se glissa avec une douceur mêlée d’hésitation dans celle de son cavalier et elle le laissa l’entraîner vers la piste de danse. Venant se positionner face à lui, elle prit grand soin d’éviter son regard en tournant la tête sur le côté. Ainsi, elle remarqua pour la première fois qu’ils faisaient sensiblement la même taille. Lorsque sa main vint, à contre cœur, se déposer sur son épaule, elle nota leur finesse et se jura de diminuer leur contact physique autant que faire se pouvait. Enfin, elle attendit tendu comme la corde d’un arc que ces maudit musiciens daignent jouer. “Une danse, une seule et ton cauchemar sera terminé”. Songea Léonie en glissant quelques prières silencieuses à l’attention de l’Unique.  
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