L’automne était maintenant bien installé. Les feuilles des arbres avaient complètement virées à l’or et au cuivre, un vent frais balayait le pays apportant avec lui d’épais nuages gris qui menaçaient de déverser une pluie diluvienne sur les terres. Aujourd’hui était un peu différent. Le soleil était haut dans le ciel. Il n’était pas suffisamment fort pour être étouffant mais lorsque Victoire passa sous l’un de ses rayons, elle fut incapable de ne pas s’arrêter pour en profiter. Par dieu! que c’était agréable et que cela la changeait de ces derniers jours horriblement mornes. Il fallait admettre qu’elle n’avait pas grand chose à faire dernièrement. La demi-saison était propice au labeur et à la préparation de l’hiver, pas aux commérages ni aux sorties. Alors la comtesse s’ennuyait. Elle passait ses journées à lire, à jouer du clavecin ou du violon, à répondre aux lettres de ses correspondants et à administrer son domaine d’aussi loin qu’elle se trouva. Aubrey avait de nombreux défauts, le principal était de s’être épris d’elle, mais il régissait à merveille les terres du domaine de Crowley et participait à l’éducation de Damian autant que faire se pouvait.
Ses terres étaient pérennes, son fils grandissait bien et s’avérait un petit garçon intelligent et vivace, elle était aussi veuve qu’elle avait pu le rêver. Tout aurait pu sembler parfait, hélas une ombre était encore au tableau ; sa solitude. La précédente soirée, une semaine auparavant, avait permis à Victoire de rencontrer quelques personnes et d’être ainsi invité à prendre le thé ou parfois des visites de courtoisies. Mais elle n’avait trouvé aucun allié qui puisse lui permettre de faire avancer le combat qu’elle menait et cela avait le don de la rendre ombrageuse. Pourtant elle y avait mis du cœur. Mais ce n’était pas une chose évidente que de convaincre ceux qui ne le voulaient pas, ni même de manipuler les esprits et elle était en train de prendre conscience de l’envergure de cette bataille et de l’énergie que cela allait lui demander. Bien que cela ne la découragea pas, elle craint brièvement de ne pas y arriver.
Aujourd’hui cependant elle avait la tête ailleurs, en témoignait le fiacre dans lequel elle était installée. Le cahot sur la route la berçait depuis une demi-heure maintenant et elle peinait à maintenir ses paupières ouvertes. La promesse de défaire son chignon et faire tomber son chapeau si elle s’endormait, l’obligeait à lutter autant que possible. Comme à son habitude elle était habillée d’une robe sombre mais elle avait cette fois troqué le noir pour un bleu marine profond qui rendait à son regard d’étranges reflets. Son chapeau farouchement fixé à son chignon simple était de la même couleur si ce n’était qu’il arborait une magnifique zinnia d’un violet profond entouré de dentelle écrue. Quand la voiture s’arrêta à la périphérie de la ville, Victoire était encore aux prises avec ses somnolences et ne put que pousser un long soupire de satisfaction quand tout s’arrêta enfin.
C’était un magnifique domaine dont les verts pâturages s’étendaient à perte de vue. La maison à laquelle elle faisait face n’était pas sans lui rappeler celle où elle avait vécu ces neufs dernières années, des fleurs s’épanouissaient dans des jardinières parfaitement entretenues et au loin elle pouvait deviner les contours d’une écurie. Au même moment, la porte s’ouvrit sur un intendant au visage affable qu’elle reconnut immédiatement. Cette fois, il faisait jour et les ombres nocturnes ne jouaient pas sur ses traits âgés. Il se plia en une révérence polie puis se redressa.
- Le comte Brown, l’hôte de son Altesse vous fait parvenir ses excuses, il ne pourra pas vous accueillir en son domaine pour l’instant. Il descendit les marches du péron jusqu’à la comtesse et désigna d’un geste les écuries. - Mais il vous invite à découvrir son domaine en compagnie du prince. Voulez-vous que je vous accompagne, Madame la comtesse ?
- Tout ira bien. Merci à vous. Dit-elle simplement avant de s’avancer dans l’allée.
Bien que ce fut une robe, sa tenue équestre était faite pour lui permettre de se mouvoir avec aisance. Le jupon ne touchait pas le sol, le corset était plus court pour lui permettre de s’asseoir et il n’y avait aucune fioriture ou manches extravagantes qui auraient pu risquer de se coincer dans la selle. Elle traversa ainsi une allée de gravillon puis tourna à l’angle d’un carrefour doté d’un petit rond-point végétal avant d’enfin gagner l’entrée des écuries. Le soleil à l’extérieur ne lui permettait pas de voir dans l’obscurité qui nimbait les lieux, alors elle entra.
- Votre Altesse ? Héla-t-elle tout en plissant les yeux pour se faire à la nouvelle luminosité.
Ses terres étaient pérennes, son fils grandissait bien et s’avérait un petit garçon intelligent et vivace, elle était aussi veuve qu’elle avait pu le rêver. Tout aurait pu sembler parfait, hélas une ombre était encore au tableau ; sa solitude. La précédente soirée, une semaine auparavant, avait permis à Victoire de rencontrer quelques personnes et d’être ainsi invité à prendre le thé ou parfois des visites de courtoisies. Mais elle n’avait trouvé aucun allié qui puisse lui permettre de faire avancer le combat qu’elle menait et cela avait le don de la rendre ombrageuse. Pourtant elle y avait mis du cœur. Mais ce n’était pas une chose évidente que de convaincre ceux qui ne le voulaient pas, ni même de manipuler les esprits et elle était en train de prendre conscience de l’envergure de cette bataille et de l’énergie que cela allait lui demander. Bien que cela ne la découragea pas, elle craint brièvement de ne pas y arriver.
Aujourd’hui cependant elle avait la tête ailleurs, en témoignait le fiacre dans lequel elle était installée. Le cahot sur la route la berçait depuis une demi-heure maintenant et elle peinait à maintenir ses paupières ouvertes. La promesse de défaire son chignon et faire tomber son chapeau si elle s’endormait, l’obligeait à lutter autant que possible. Comme à son habitude elle était habillée d’une robe sombre mais elle avait cette fois troqué le noir pour un bleu marine profond qui rendait à son regard d’étranges reflets. Son chapeau farouchement fixé à son chignon simple était de la même couleur si ce n’était qu’il arborait une magnifique zinnia d’un violet profond entouré de dentelle écrue. Quand la voiture s’arrêta à la périphérie de la ville, Victoire était encore aux prises avec ses somnolences et ne put que pousser un long soupire de satisfaction quand tout s’arrêta enfin.
C’était un magnifique domaine dont les verts pâturages s’étendaient à perte de vue. La maison à laquelle elle faisait face n’était pas sans lui rappeler celle où elle avait vécu ces neufs dernières années, des fleurs s’épanouissaient dans des jardinières parfaitement entretenues et au loin elle pouvait deviner les contours d’une écurie. Au même moment, la porte s’ouvrit sur un intendant au visage affable qu’elle reconnut immédiatement. Cette fois, il faisait jour et les ombres nocturnes ne jouaient pas sur ses traits âgés. Il se plia en une révérence polie puis se redressa.
- Le comte Brown, l’hôte de son Altesse vous fait parvenir ses excuses, il ne pourra pas vous accueillir en son domaine pour l’instant. Il descendit les marches du péron jusqu’à la comtesse et désigna d’un geste les écuries. - Mais il vous invite à découvrir son domaine en compagnie du prince. Voulez-vous que je vous accompagne, Madame la comtesse ?
- Tout ira bien. Merci à vous. Dit-elle simplement avant de s’avancer dans l’allée.
Bien que ce fut une robe, sa tenue équestre était faite pour lui permettre de se mouvoir avec aisance. Le jupon ne touchait pas le sol, le corset était plus court pour lui permettre de s’asseoir et il n’y avait aucune fioriture ou manches extravagantes qui auraient pu risquer de se coincer dans la selle. Elle traversa ainsi une allée de gravillon puis tourna à l’angle d’un carrefour doté d’un petit rond-point végétal avant d’enfin gagner l’entrée des écuries. Le soleil à l’extérieur ne lui permettait pas de voir dans l’obscurité qui nimbait les lieux, alors elle entra.
- Votre Altesse ? Héla-t-elle tout en plissant les yeux pour se faire à la nouvelle luminosité.