“L'illusion est trompeuse mais la réalité l'est bien davantage.”Avec Selen Morvell
C’est… piquant. Outch. Je pose mes doigts sur ma lèvres où une légère coupure fait s’écouler mon sang qui rougit mes doigts. Pour autant, je me mets à rire en relevant le regard vers mon valet qui m’observe avec son impassibilité légendaire.
“Ne fait pas cette tête Herle, c’est le jeu ~ Et pour cette fois, j’ai perdu.”
Je tends une main vers lui qu’il finit par prendre pour m’aider à me relever. Aoutch. Je me frotte le bas du dos, songeant au bleu qui doit s’y former. Ce bougre ne payait pas de mine avec son corps tout maigrichon mais si on pouvait bien admettre une chose, c’est qu’il avait défendu la vertue de son épouse avec la hargne d’un fauve. Le tabouret lancé par la porte ne m'avait pas loupé, ni la chopine de bière qui m’avait fissuré la lèvre en plus de me laisser une forte odeur d’alcool. Seule la course m’avait permis d’éviter d'autres blessures avant que je ne reprenne mon souffle contre le mur d’une bâtisse, caché par d'autres bâtiments des alentours.
Ah, je sais, la place d’un Prince n’est sûrement pas dans ses ruelles où se rassemblent les paysans et autres gueux en tout genre mais j’avais été curieux de voir ce que pouvait abriter le bordel qui s’y était installé. Ma rencontre avec cette jolie serveuse de taverne ? Juste un hasard. J’avais alors joué de façon orgueilleuse avec le destin et, vu le retour rapide de son époux, j’avais perdu. Qu’à cela ne tienne, je ne suis pas mauvais joueur, je tenterais une autre partie un autre jour.
Je suis un Prince qui ne ressemble plus à grand-chose avec mes habits trempés, tâchés, mes cheveux en bataille et ma lèvre fendue. Déjà que j’avais fait un effort pour ne pas mettre une tenue trop voyante pour ce petit voyage… Là, on peut dire vraiment que je ressemble à un paysan aussi, enfin, si on met de côté ma beauté légendaire. Observant Herle et sa tenue impeccable bien qu’un peu trop simple à mon goût, un sourire vicieux se glisse sur mon visage.. Je préfère encore avoir ses vêtements propres que de rester dans les miens.
De paysan… Me voilà avec l’apparence d’un domestique. Herle a pris de l’avance pour aller chercher de nouveau vêtement propre, vêtus des miens. Heureusement que l’on a plus ou moins la même stature. Pour ma part, je prends le temps de rentrer à pieds, tranquillement, profitant de l’un de ses rares jours où le soleil décide de se montrer. Certes, le temps est frais, mais j’apprécie la nature et la campagne.
La demeure où je suis “invité” apparaît peu à peu à l’horizon. J’entre dans la grande cour en même temps qu’un fiacre et penche un peu la tête, curieux de savoir quel genre de visiteur nous rend visite. Homme, femme, jeune, vieux, comtes, barons, duc ? Quand je remarque que c’est une belle demoiselle qui apparaît à la porte de la calèche, l’envie de tenter de nouveau le jeu me titille. Oubliant que j’ai actuellement l’air d’un domestique bagarreur et, vu l’odeur persistante de bière malgré le changement de vêtement, alcoolique, je m’approche d’elle avec un grand sourire charmeur avant de lui tendre une main :
“Bienvenue ma Dame. Permettez que je vous aide à descendre ?”
Qui refuserait l’aide d’un beau Prince après tout ?