Tout progresse, tout éclot, rien ne connait la déchéance, et mourir est différent de ce que nous pouvons croire, et plus heureux. | |
À présent seule et isolée dans une ville trop grande pour elle et condamnée à l'errance, dissimulant ses mécontentements derrière un masque neutre de toute émotion. Ses pensées s'agitent dans sa petite tête blonde, toutefois elle s'agace suffisamment pour balancer nerveusement ses jambes dans le vide, ce n'est que lorsque le talon de sa chaussure se heurte à la pierre du muret que son mouvement cesse. Un sentiment de vulnérabilité s'empare d'elle, ses mires azuréennes fouissent de gauche à droite, elle tire des poches de sa robe sombre d'une main tremblante une note, où il avait écrit les indications pour revenir à la boutique, les mots se mélangent et elle ne parvient pas à comprendre. Lénore sait qu'elle ne doit parler à personne hormis aux hommes en uniformes, mais elle n'en voit pas. Comment s'appelaient-ils déjà ? La douleur grandit, elle grimace en glissant ses doigts fins dans ses cheveux détachés, longeant la longue cicatrice irrégulière, trouvant néanmoins la force de se lever, regardant autour d'elle. Il faisait nuit et il était encore très tôt et tout lui semble désert. Lénore voulait du calme et du frais, le moindre claquement lointain des fers d'un cheval sur les pavés provoquait une pulsation douloureuse. Le point le plus haut, voilà ce qu'elle devait chercher, la maison de Dieu était forcément un point haut. Et n'était-elle pas l'un de ses précieux enfants ? Par chance, elle n'était pas bien loin. Elle se faufile silencieusement dans l'entrebâillement de la porte entrouverte. Elle croit être seule alors qu’elle s'avance. Ici les choses semblaient plus supportables que dehors, plus douces. Il y a plus de beaux dans la flamme vacillante d'une bougie qui donnait à sa chevelure un air d'or en fusion, que dans toutes ces œuvres religieuses qu'elle ne sait voir, dans l'air flotte un agréable parfum d'encens et il règne incontestablement un climat de paix. Son cou se serre et des picotements envahissent sa gorge, elle se laissait glisser le long d'un mur s'asseyant à même le sol, ramenant ses jambes contre sa poitrine et enfouissant sa tête, l'or se mêlant à l'obsidienne de sa tenue. Espérant simplement que cette posture antalgique puisse la soulager pour lui permettre de reprendre sa route. Elle ne prenait pas beaucoup de place et ne gênait pas vraiment à peine, aurait-on pu encore la remarquer. Quant à avoir l'air ridicule, elle s'en moque tout simplement, et encore un semblant de confort et le risque d'une chute son choix semble tout fait. En cet instant, elle voulait simplement rentrer à la maison, loin de cette ville surpeuplée où elle ne se sentait pas à sa place, loin du bruit et de ce qu'elle estimait être le danger. Serrant encore la note dans sa main, elle fermait les yeux cherchant à remettre de l'ordre et du sens dans la foule de ressentis, seulement à demi consciente sans même vraiment savoir combien de temps. Elle se force à réfléchir jusqu'à ce que les mots reviennent, puis que les phrases aient un semblant de sens et que la douleur ne cesse. Sentant une présence qui capta son attention et mit son corps en alerte, elle ouvrait un œil paresseux sans réellement comprendre ce qu'elle voyait, sans être sûre que ce n'était pas simplement son esprit qui lui jouait des tours. Dans ce monde il y a des souffrances silencieuses, qui ne font pas un seul bruit. Et libérée de tout sauf de ce son corps, on lui avait offert la possibilité de faire ses propres choix, et que pouvait-elle bien faire de cette liberté ? |
Vous m'avez condamnée à l'oubli.