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Valerius II
Royauté
Influence : 154
Race : Humain

Feuille de personnage
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Royauté
Valerius II
Ombres Héréditaires
"Celui qui lie l’amour et la beauté
n’a jamais connu l’amour.
Celui qui lie l’amour et l’horreur
a déjà aimé.”
Dans l'ombre feutrée du Salon des Mésanges, niché au cœur d'une aile reculée du palais, s'étendait un sanctuaire d'échanges secrets, drapé dans une façade de modestie et d'intimité. Telles des mésanges dansant dans les brises printanières des jardins voisins, son nom évoquait une innocence et une simplicité trompeuses. Sous ce voile bucolique, se cachait un cœur stratégique, pulsant au rythme des conspirations et des murmures de la cour.
Les générations royales avaient tissé dans ce salon un réseau d'intrigues, reconnaissant tacitement sa valeur comme un havre de discrétion. Sa position, telle une île isolée dans l'océan du palais, offrait un refuge parfait pour des dialogues chargés de sens, à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes. Les murs épais et les portes scellées garantissaient une solitude sonore, tandis que deux sentinelles veillaient à l'entrée, gardienne des secrets royaux.

Derrière ses atours de charme et ses ornements délicats, le Salon des Mésanges s'était mué, au gré des âges, en un temple consacré aux confidences et aux manœuvres cachées des souverains. En son sein, les échos des affaires les plus pressantes et les plus confidentielles résonnaient, enveloppés dans un écrin de quiétude et de confort. Mais pour l'observateur extérieur, ces murs ne renfermaient qu'une banale réunion de famille, masquant habilement le jeu de pouvoir et les stratégies tissées dans l'ombre de ses alcôves.

« Je vous remercie de vous joindre à moi pour l’heure du thé, Mère », profères-tu, revêtu de ce masque de courtoisie impeccable, où ton sourire, bien que poli, ne parvient pas à illuminer ton regard. Tu accueilles celle qui t'a donné la vie, cette étrangère vêtue du titre de mère, avec une révérence plus profonde qu'envers tes sujets ordinaires, un geste empreint d'une pitié filiale presque tragique, alors que vous prenez place dans le petit salon.

Pensif, tu te questionnes un instant sur la somme de mots que vous avez échangés au cours de votre existence commune. Deux cents ? Non, peut-être cent… En vérité, tu doutes même que vos paroles aient dépassé la cinquantaine, une fois les conventions et les formalités mises de côté. Ta mère, dont les yeux ne se sont jamais posés que sur Alexander, t'a laissé dans l'ombre d'un frère chéri sans un seul regret. Heureusement, ton éducation, rigide et confinante, t’avais enseigné très vite l'art de refréner toute jalousie, de renoncer à tout désir pour ce qui était dû à Alexander, pour ce qui t'était interdit de convoiter. Cette formation, impitoyable et précise, avait eu pour but de te dépouiller d'ambition personnelle, car il eût été imprudent de faire de toi un maître-espion tout en laissant s'éveiller en toi la convoitise de la couronne. Cependant, le sort, dans son ironie cruelle, t'avait finalement désigné comme son porteur, rendant cette éducation, si finement orchestrée pour éteindre en toi toute aspiration au trône, une faiblesse dévastatrice. Une faiblesse avec laquelle tu luttes désormais en silence, abandonné devant ces tourments dont personne, hormis ton défunt père, ne fut jamais au courant. Ta solitude a toujours été ta force Valerius, quand bien même, en ces quelques rares instants, elle se révèle presque une faiblesse.

Élevé loin des splendeurs et des intrigues du palais, tu t'étais trouvé dès ton jeune âge, plus que tes frères et sœurs, dépossédé de toute notion de famille. Jusqu'à récemment, Léonie, dont le souvenir te devenait désormais interdit, était la seule à occuper cette place dans ton cœur. Ignorant ce qu'aurait pu être l'affection maternelle, son absence ne t'avait néanmoins jamais vraiment manqué. En revanche, le désir ardent de reconnaissance et de validation pour compenser le manque d'amour t'avait forgé en serviteur zélé de ton père, cherchant sans cesse à gagner l'approbation de ton roi à travers des actes impitoyables, destinés à nourrir ses ambitions dévorantes. On t'avait enseigné à quérir les faveurs de ton roi, mais en quoi l'approbation de ta reine aurait-elle pu t'être utile ? Comme elle n'avait jamais eu aucune valeur pratique, tu ne l'avais pas recherchée, et encore moins sollicitée…

Maintenant que tu prenais le temps d'y penser, des années s'étaient écoulées entre le moment présent et la dernière fois où tu avais partagé plus que quelques instants avec la reine Elaine, et même dans ces rares fois, ne te revenait en mémoire que des portraits de famille et autres réunions familiales sans valeurs.

Et pourtant, voilà que désormais, après le décès tragique d'Alexander, vous vous retrouviez là, elle et toi, prenant le thé. Seuls. Pour la première fois de votre existence. Une rencontre marquée par l'étrangeté de l'inconnu et l'absence d'un passé commun, assurément. Une étrange et silencieuse confrontation entre deux êtres reliés par le sang, mais séparés par un abîme d'indifférence et d'incompréhension.
Malgré ta nature stoïque et ta capacité d'adaptation, tu ne peux pas ignorer totalement l'étrangeté de cette scène. Chaque mot échangé, empreint de politesse, résonne avec la fausseté et la vacuité des mensonges. Ses yeux ne t’ont jamais vu, et tu devines les reproches qu’elle pourrait te faire, désormais qu’il n’est plus là. Etrangement, cela te met mal à l'aise, quand bien même tu le caches parfaitement. Regrettes-tu que ta mère ne t'ait jamais regardé autrement que pour te reprocher de n'être pas Alexander ? Sur cette interrogation, ton esprit reste incertain.

Il te faut plus de temps que d'ordinaire pour tisser des banalités, soutenant péniblement cette conversation insipide. Tu attends, prévoyant d'aborder les véritables sujets une fois le thé servi et le personnel congédié dès que la façade d'une rencontre de famille banale aura été suffisamment nourris. Le Salon des Mésanges, avec son atmosphère informelle, offre l'avantage d'être dénué de la cour habituelle : pas de conseillers, de ministres, de dames de compagnie ou de serviteurs en nombre. A part un serviteur soigneusement sélectionné, deux gardes à l'entrée et Thomas, ton valet-de-pied, ta cour est absente, un soulagement bienvenu après des semaines passées sous le regard d'une suite constamment insatisfaite de tes réponses. La transition d'une vie dans l'ombre à celle d'un roi requiert une période d'adaptation non négligeable. Dans quelques mois, tu seras probablement tellement habitué à cette escorte que l'absence de celle-ci te donnera une sensation de nudité, mais pour l'instant, cette acclimatation est encore loin d'être complète, et tu ressens vivement le poids de ce nouveau rôle, encore étranger et encombrant.

« Les jardins se parent de leurs atours automnaux, déployant un éventail de couleurs éclatantes. Avez-vous eu l'opportunité d'apprécier cette splendeur saisonnière lors de vos récentes promenades ? » Tu laisses flotter ces mots, tandis que ton regard se perd vers les fenêtres du salon, offrant une vue imprenable sur les jardins. Un sourire fin et presque imperceptible, teinté de nostalgie amère se dessine sur ton visage alors que tu contemples ce tableau, ton esprit vagabondant vers ton frère et son irritante inclination pour la poésie. « Alexander aimait à dire que c'est en automne que les jardins dévoilent leur véritable magnificence. Il y trouvait une poésie mélancolique dans le changement des couleurs, un attrait pour la nostalgie peut-être, qui le rendait particulièrement réceptif à la beauté de cette saison. » Alexander avait l'âme d'un rêveur, une qualité – ou défaut–  essentielle à un idéaliste, une qualité que tu n'avais jamais partagée, ancré trop profondément dans la réalité et ses horreurs pour laisser place aux rêves. Tes nuits étaient hantées de cauchemars et de terreurs, teintant ton caractère d'amertume et assombrissant tes pensées, chaque année un peu plus, te rendant prompte aux mauvaises humeurs. À l'inverse, les siennes avaient toujours possédées cette nuance surannée et mélancolique qui le définissait. Jamais tu n'aurais pensé que ce que tu avais toujours considéré comme son plus grand défaut te manquerait un jour, maintenant qu'il n'était plus…

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Yeux sombres, cœur cruelAn unwavering beacon bound by a crown of thorns, his heart a silenced tempest in a cage of duty.
KoalaVolant
Elaine Windcroft
Royauté
Influence : 27

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Elaine Windcroft
Il s’agissait d’une matinée en apparence on ne peut plus banale pour Elaine. Comme à son habitude, la reine s’était levée de bon matin et avait suivi comme du papier à musique son emploi du temps habituel. Elle s’était faite apprêter par ses servantes, avait pris son petit-déjeuner puis échangé quelques banalités avec ses dames de compagnie avant de s’installer sur sa secrétaire en acajou pour répondre aux lettres du jour. Certaines missives reçues la veille de personnalité de haut-rang n'avaient pas encore reçues de réponses de la reine-mère, qui avait accumulé un léger retard. Cela était fréquent à cette période-là de l’année, au détail près que les habituelles invitations à des tea party avaient place à des lettres de condoléances.

« Votre Altesse ; il est bientôt l’heure du thé ».

La reine regarda la petite montre disposée sur sa secrétaire et se leva sans un mot. D’un geste ferme, elle rappela ses servantes pour se changer. Les sobres et confortables atours de la matinée laissaient à présent place à une robe bien plus raffinée. C’était après tout en compagnie du roi son fils, que la reine-mère s’apprêtait à prendre le thé.
Seules trois de ses dames de compagnie furent autorisées à l'accompagner dans la traversée des couloirs du palais. Tout de noir vêtue, la reine douairière s’évertuait à sembler imperturbable, tandis que sur son passage courtisans et domestiques s’inclinaient.
Pourtant, derrière son habituel masque de dignité, Elaine s’était évertuée dès le petit matin à ne pas laisser transparaître une once de l’impatience et de l’inquiétude qui la traversait.

Derrière son calme apparent, la reine-mère n’était ce matin pas tout-à-fait tranquille. Trouver le sommeil était en ce moment compliqué, alors que le décès de son fils aîné lui apparaissait encore si récent. Et malgré toute la résilience dont elle pensait pouvoir faire preuve, Elaine ne pouvait s’empêcher, à la nuit tombée, de se retrouver drapée d’une mélancolie dont elle s’était pourtant jurée de s’être débarrassée. À ce contexte peu propice à l'apaisement s'était ajoutée l’entrevue de la journée, que la reine attendait aussi impatiemment qu’elle ne l'inquiétait.
Un rendez-vous nécessaire et qu'elle attendait, mais pour lequel elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver un certain malaise. L'idée de se retrouver dans un contexte aussi intimiste avec ce parfait étranger la gênait. Mère et fils ne s’étaient guère adressé plus que quelques froids mots lors de certains événements officiels et Valerius n’ayant pas grandi au palais, Elaine n’avait jamais fait l’effort de s’intéresser à lui. Peut-être la reine douairière avait-elle été quelque peu irritée qu’Alexander accorde à son frère des épousailles avec une nobliotte déshonorée d’Alpia… Mais, dans le fond, elle ne s’en était guère formalisée plus de quelques jours. En fin de compte, de ce qu’était devenu cet enfant, Elaine n'avait connaissance que de la confiance de son mari puis de son fils aîné dans les talents de diplomate de Valerius.
En plus de déplorer la perte du seul enfant qu'elle aimait tendrement, la reine douairière se retrouvait ainsi plongée dans l’incertitude la plus totale. Car si elle avait toujours su que certains de ses enfants la méprisaient cordialement, ce qui l’inquiétait dans le cas de son fils cadet, c’était précisément qu’elle ne savait nullement sur quel pied danser. Certes, leurs récents échanges épistolaires ne laissait pas pressentir une quelconque rancœur ou mépris du fils à l'égard de sa mère. Mais qu’allait-il en être, une fois que, dans le très discret salon des mésanges, seul à seule, Elaine allait se retrouver confrontée à cet étranger qui était devenu son souverain ?

Bien loin de l’inquiétude et des nombreux questionnements qui la traversaiaient, c’est une reine tout en majesté qui fit une entrée élégante dans la pièce. Respectant soigneusement le protocole, elle avait effectué une révérence d’une précision chirurgicale et salué son fils le roi. D’un geste discret, elle congédia les dames de compagnie qui l’avaient accompagnée dans sa traversée et s'installa sur le fauteuil qu'on lui indiqua.

La conversation fut bien sûr initiée à l’initiative de son souverain, et c’est prudemment que la reine mère commença à y prendre part :

« C’est moi, mon fils, qui devrais être honorée par votre invitation. »

Elaine écoutait soigneusement son fils, espérant ne pas déceler dans son attitude une quelconque marque d’agacement ou de rancœur.

« Oui, même si pour mon plus grand regret, je n’ai eu que peu d’occasion ces derniers jours de profiter des jardins royaux. Vous savez, j’ai également une affection toute particulière pour cette période-là de l’année. »

Elaine se râcla la gorge. Aujourd’hui, elle trouvait ce nom particulièrement difficile à prononcer. L’intimité induite par ce cadre discret ne l’aidait pas à se revêtir de la distance habituelle dont elle se paraît, quand il lui fallait évoquer le souvenir de son fils aîné.

« Alexander il… Il affectionnait également la saison printanière. Symbole de renaissance et surtout, de renouveau. Avant d’être un grand monarque, il était l’une de ses âmes poétiques, sensibles à la beauté sous toutes ses formes. Qu’il s’agisse de celle présente dans l'art, dans la nature… »

Elle s’interrompit une seconde, croisant directement le regard de Valerius, avant d’ajouter :

« ...Ou bien de la beauté présente dans les nobles idéaux. »

Mais la conversation fut aussitôt interrompue par l’arrivée du thé. Comme pour ramener la conversation à quelques banalités, la reine évoqua le contenu de la tasse qu’elle commençait à délicatement déguster.

« Ce thé est véritablement exquis. Et quelle fragrance ! »

La reine douairière est normalement un personnage réfléchi, connu pour sa prudence extrême. Mais comme le thé auquel elle venait de goûter, certains mots lui brûlaient les lèvres. Et c’est ainsi qu’Elaine finit par laisser filer le peu de subtilité dont elle perlait auparavant ses mots.

« Alexander. Son amour des belles idées… L’a malheureusement conduit à parfois s’attirer quelques contrariétés. »
Valerius II
Royauté
Influence : 154
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Valerius II
Ombres Héréditaires
"Celui qui lie l’amour et la beauté
n’a jamais connu l’amour.
Celui qui lie l’amour et l’horreur
a déjà aimé.”
Dans cette scène d'apparente banalité, où tout semble ordinaire, réside une singularité indéniable, notamment dans le comportement de la reine. Par moments, son attitude trahit une inquiétude latente, un frémissement sous la surface d’un lac calme. Elle est très adroite, tu dois au moins le reconnaître cela, mais elle n’en reste pas moins mal à l’aise. Et comment pourrait-il en être autrement ? Elle se trouve désormais à la merci d'un homme qu'elle n'a jamais vraiment cherché à comprendre, une personne qui pourrait lui en vouloir pour ça, mais  qui pourtant lui offre aujourd'hui un sourire d’une douceur froide, un masque de courtoisie lisse et impénétrable.
Il aurait été plus simple, plus prévisible, de te voir réagir avec une virulence méprisante ou une colère ardente, des émotions tangibles auxquelles ta mère pourrait alors se raccrocher pour bâtir une stratégie. Mais cela irait à l'encontre de ta véritable nature, cette chose détachée et cruelle qui se délecte dans l'obscurité, saisissant avec délice chaque occasion de tourmenter, de presser là où ça fait mal. Au lieu de décourager cette partie de toi, ils ont tout fait pour la nourrir après tout, doit-on vraiment être surpris qu’à l’âge adulte, tu l’aies à ce point embrassé ? Heureusement, ton éducation t'a inculqué le refoulement et la retenue. Peu importent tes pulsions et tes caprices, tu as appris à privilégier ton devoir, les apparences et le respect des normes sociales avant tes propres désirs. Tu surpasses Reginald sur cela, certes, mais cela ne t'exonère pas d'une certaine imprévisibilité. Que se passerait-il, Valerius, si cette façade soigneusement construite d'humanité venait à se fissurer ?

Il est une vérité incontestée que s'habituer au pouvoir, à cette ascension qui nous élève au-dessus des autres, ne demande guère de temps. Le pouvoir, tel un nectar enivrant, ne crée pas le mal mais exacerbe les vices qui sommeillent en nous. En toi, ce sont ces pulsions sadiques qui s'animent, cette ambition perverse de devenir une écharde insidieuse dans le pied de chacun, non pas pour infliger une douleur profonde, mais suffisamment pour te rendre omniprésent dans leur esprit, une irritation constante se rappelant à eux à chacun de leurs pas. Ainsi, les efforts que tu déploies pour suspendre une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes deviennent, sur l’instant, un souci bien secondaire face à cette épine...
Oui, en toi, le pouvoir se mue en une obsession de contrôle total, dépassant les limites des protocoles, de la cour, et même de tes sujets. Tu aspires à infiltrer leurs pensées, à t'immiscer dans les méandres de leur esprit, car c'est là que se trouve la forme de domination la plus insidieuse et la plus absolue. Tu veux être redouté même en ton absence, une crainte omniprésente. Un fantasme digne du plus habile des maîtres espions, mais qui, dans le cœur d'un roi, frôle dangereusement avec la tyrannie.

Tu écoutes la reine évoquer avec une prudence mesurée Alexander et son amour pour des idéaux qui, finalement, lui ont coûté la vie. Silencieux, tu conserves ton masque de politesse, un sourire discret ourlant tes lèvres, acquiesçant d'un hochement de tête subtil aux éloges qu'elle adresse à l'amour d'Alexander pour les belles choses, les belles idées, les nobles idéaux... La beauté, malgré ses dangers. La preuve de cette quête insensée de la beauté se trouve dans le choix même de sa compagne de vie, une démonstration de cette folie qui peut mener à la ruine, entraînant avec soi tout un monde dans sa chute. À te voir ainsi, on pourrait croire à ton ignorance des sous-entendus de cette conversation, mais ce serait une grave erreur. Le contrôle, voilà ce qui te caractérise. Il va s’en dire que, depuis que tu as tout contrôle sur les conversations, leur déroulés et leurs sujets, tu en uses et abuses à loisir. Quel grand plaisir, que de lire la frustration dans le langage corporel de ceux qui ne savent le cacher…

« Je me réjouis, mère, de voir que le thé est à votre goût. Je l’ai acquis lors de mon récent séjour en Jadamur. Il provient d'une plantation naissante, que le Duc gouverneur Chakraborty a eu l'amabilité de me présenter. » Tu marques une pause, contemplant ta tasse comme si elle recelait des secrets, avant de reprendre, le sourire poli toujours aux lèvres. Le battement d’aile d’un papillon, hm ? « Figurez-vous que, il y a de cela plus d'un an, lors de sa visite dans ces contrées lointaines, mon regretté frère avait lui aussi foulé les terres de cette plantation. Toujours avide de nouveauté, malgré le poids de la couronne, il avait été captivé par l'histoire d'un lopin de terre expérimental au Darjeeling. Il a même conseillé au propriétaire de se procurer des graines de thé du Qingdu. Puis il est reparti pour Albion, laissant derrière lui cette anecdote de thé, ainsi que les efforts qu’il avait consentis pour un elfe sans aucune obligation de sa part. Vous le savez mieux que moi, il avait cette inclination naturelle à se préoccuper des moindres soucis d'autrui. » Un trait de caractère qui, pour les gens comme toi, si cynique et terre à terre, n’était rien d’autre qu’une sensiblerie et une perte de temps précieux. A quoi bon se soucier d’une simple et unique plantation de thé, quand c’est tout une colonie dont on a le contrôle en tant que roi ? Pourquoi ce soucier d’une seule et unique partie de son peuple, quand la pragmatisme nous pousse à ne prêter intérêt qu’à celle dont émerge le pouvoir ? Et pourtant, vous voilà ici, à pleurer en silence la mémoire de cette idiot idéaliste, qu’aucun de vous deux n’avait conseillé de continuer sur cette voie, alors que vous buvez en ce moment même le résultat de sa persévérance. Quelle douce ironie.

« Et nous nous retrouvons ici, à déguster le fruit de cette prévenance. Ne trouvez-vous pas, mère, que l'association des épices et de l’écorce d’orange confère à ce thé un caractère singulièrement exotique ? Lors de ma première dégustation, j'avoue avoir été quelque peu déconcerté, mais j'ai depuis appris à apprécier ses nuances subtiles. Il m’a même inspiré une réflexion sur l’importance de fournir un environnement propice à l'épanouissement de tout ce qui est amené à fleurir. » Parler de thé, quelle banalité, quelle simplicité... Pourtant, ces mots, écho des propos de la reine, dissimulent un message bien plus profond, accessible seulement à ceux capables de saisir les sous-entendus. Il s'agit bel et bien d'Alexander, de cet insensé d’Alexander, et de sa bêtise. Cette bêtise qui l'a poussé à chérir les belles choses, les nobles idées, au point de sacrifier sa vie pour elles. Et entre vos mains, se trouve le témoignage tangible de ses efforts. Modeste, peut-être dérisoire, mais réel.

Mais de Jadamur, tu as rapporté autre chose. Une variété de fleur tout à fait différente, bien plus fragile et discrète, une future reine qui demande à être cultivée avec soin, même si l'envie de s'en occuper te fait défaut.

Oh, certes, il serait fantaisiste de comparer l'évolution d'un bon thé à des bouleversements sociaux d'envergure, mais cela révèle une vérité indéniable : tout changement nécessite du temps. Pour ce thé, près de deux ans. Mais pour transformer la mentalité d'une nation entière ? Ah, même en y consacrant toute ton énergie, il est évident qu'une vie entière n'y suffira pas. Ta seule consolation réside dans l'espoir que, si ton règne parvient à instaurer une stabilité durable, les générations futures, nées des changements impulsés par ton frère, poursuivront, par leur essence elfique, cette lutte pour un idéal précipité et - à tes yeux - absurde auquel tu es désormais contraint de te rallier. Mais pour cela, il te faut l'alliée idéale. Et il est crucial de te garantir que celle qui occupait sa place autrefois ne fera rien pour entraver son épanouissement. Pour y parvenir, il faut la rassurer. « N’ayez crainte, mère, je n'envisage pas de transformer dès demain les jardins royaux en une quelconque plantation de thé... Je suis bien conscient que le climat actuel du royaume ne s'y prête guère. » dis-tu, un brin d'amusement dans la voix, avant de poursuivre, laissant planer le doute entre sérieux et plaisanterie pour ceux qui ne saisiraient pas l'allégorie. « J'envisage donc d'abord de solliciter le soleil pour qu'il nous gratifie de sa chaleur, et de prier la pluie de se faire plus discrète. Je sais bien qu'ils ne seront pas enclins à entendre raison - particulièrement la pluie, bien que je sois convaincu que le soleil est impatient de briller - mais je suis certain qu'avec les bons arguments et une persévérance acharnée, ils sauront se montrer compréhensif... » Cette image, presque risible dans son absurdité, n'est-elle pas pourtant le rôle d'un roi ? Changer l'inchangeable ? Alexander a choisi d'instaurer le changement de manière directe et brutale, ignorant la résistance qu'un tel acte provoquerait, croyant pouvoir simplement endurer les vagues et les remous jusqu'à ce que les eaux se calment. Audacieux, mais imprudent. Une imprudence que tu ne te permets pas de reproduire. Car tu seras celui qui frappera tes adversaires avant même qu'ils n'envisagent de te défier. Tel est ton dessein...


« Quelle réflexion vous inspirent donc ces évolutions, chère mère ? » lances-tu d'un ton empreint de formalité, ton regard posé sur elle avec une discrétion mesurée. L'unité de la famille royale est une pierre angulaire dans ce processus de changement, indépendamment des véritables pensées qui peuvent agiter l'esprit de chacun. Il te faut l’initié. Peu importe les moyens pour cela. Tu requiers l'appui de cette femme, ou plus exactement, la princesse Faith en aura besoin. Et il relève de ton devoir, en tant que souverain, de t'assurer de sa coopération...

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